Introduction
Depuis de nombreux mois maintenant, NVIDIA cherche par tous les moyens à élargir au maximum le champ d’applications de ses cartes graphiques, pour aller au-delà de la définition traditionnelle du GPU le réduisant au rôle d’accélérateur graphique. Et donc pouvoir vendre des GeForce aux non-joueurs. Cela a commencé il y a 9 ans maintenant avec la GeForce 2 qui introduisait l’accélération du décodage MPEG2 de façon semi-hardware, une fonction qui était déjà gérée depuis un an par ATI via la fameuse Rage Pro… Puis vint le décodage entièrement matériel du MPEG2, l’accélération du décodage du MPEG4/H.264/VC1, CUDA, PhysX, et désormais la 3D stéréo.
Contrairement aux autres technologies de cette liste, la 3D stéréo est un retour aux sources dans la mesure où elle ne se destine exclusivement qu’aux joueurs. En revanche, l’intérêt évident pour NVIDIA est qu’il est le seul à disposer actuellement de cette technologie (peut être pas pour très longtemps), et espère donc avec elle faire revenir à lui toute une frange de joueurs actuellement bien plus intéressés par le rapport performances/prix des Radeon HD 48×0 que par les éternelles promesses d’applications CUDA ou PhysX que nous attendons toujours.
Après avoir assisté à une présentation prometteuse au cours de laquelle nous avions pu nous initier quelques minutes à cette technologie, nous avons pu récupérer une machine complète dans notre rédaction pour nous en faire un avis plus tranché.
Le précurseur, fonctionnement

En outre, et même si le rendu était impressionnant sous certains jeux, il faut également se remettre dans le contexte des cartes 3D de l’époque. Si aujourd’hui nous reportons de façon blasé des moyennes dépassant facilement les 60 images par seconde dans les jeux en 1920*1200, il y a 10 ans la TNT2 n’était capable de faire tourner les jeux de l’époque qu’entre 30 et 50 images par seconde en 1024*768, ce qui impliquait de basculer en 800*600 pour obtenir le framerate minimum pour utiliser les lunettes, entre 20 et 30 images par seconde donc. De plus, de nombreux réglages devaient être ajustés dans les drivers avant le lancement de chaque jeu. Enfin et surtout, la fatigue visuelle intervenait inéluctablement au bout d’un certain temps. Reconnaissons tout de même le fait que le surcoût de ces lunettes était faible, ce qui en faisait en gadget assez sympathique.
Aujourd’hui, les écrans LCD sont enfin en train de revenir au niveau technologique de leurs ancêtres les CRT, et permettent la résurrection de cette technologie. Exactement comme l’évolution de l’AGP (le PCI Express) a permis le retour du SLI, sous une forme un peu différente toutefois.
Comment ca marche
La vision de la 3D en relief (comme certains films visibles au Futuroscope ou à DisneyLand) nécessite l’entrelacement d’images dédiées alternativement à l’œil gauche puis à l’œil droit (et donc légèrement différentes chacune), à grande vitesse bien sûr. Combinées par le cerveau, elles donnent alors la sensation de relief. Il y a plusieurs moyens d’implémenter ce principe, la plupart nécessitant de porter des lunettes : sans celles-ci, on ne voit rien d’autre que deux images décalées et superposées à l’écran, ce qui rend au passage impossible toute illustration de cet effet dans nos colonnes.
Le moyen le plus simple techniquement est d’utiliser des lunettes passives, dont les verres polarisants vont faire en sorte que l’œil gauche et droit ne perçoivent que les images qui leurs sont destinées. Comme elles n’intègrent aucune électronique, elles sont très simples et peu onéreuses (parfois simplement en carton), comme celles que vous recevez avant d’assister en groupe à « Chérie j’ai rétréci le public » à Disneyland.
A l’inverse, les lunettes actives comme les Elsa Revelator 3D ou celles de NVIDIA utilisent de minuscules volets LCD qui sont réorientés très rapidement pour obtenir la même sensation de relief (chaque verre est en fait un écran LCD qui s’éteint alternativement). Ce qui implique la présence d’électronique mais aussi d’une batterie sur les lunettes, ainsi que d’une communication entre les lunettes et le PC pour la synchronisation. L’intérêt étant que cette implémentation permet d’obtenir une meilleure résolution ainsi qu’un angle de vision plus large : vous pouvez en pratique vous placez où vous voulez, et à n’importe quel distance de l’écran, ce qui n’était pas le cas avant.
Le kit de Vision 3D de NVIDIA

Sans vous faire passer pour Morpheus, les lunettes en elles-mêmes ne vous rendrons pas aussi ridicule que dans un « casque de réalité virtuelle » (sic). Surtout, elles restent légères et confortables en dépit de la présence de la batterie, et sont assez larges pour pouvoir être portées par-dessus des lunettes de vue classiques. En outre, des plaquettes de remplacement sont fournies au cas où celles d’origines vous ferraient mal. Pour les mettre en route, il suffit de presser un petit bouton sur le côté gauche, et elles s’éteignent automatiquement après 10 minutes d’inactivité. La charge complète prend 3 H, et l’autonomie de la batterie est annoncée à 40 H, ce que nous n’avons pu vérifier puisqu’après les avoir utilisées sous 7 jeux et les ayant reçues tard, nous n’avons épuisé la batterie.
Ces lunettes sont pilotées par l’émetteur USB infrarouge. Il offre une portée de 6 m et, détail intéressant, peut être utilisé avec autant de lunettes que l’on veut. Très simple, il dispose d’un bouton marche/arrêt sur le devant et d’un témoin d’utilisation, d’un port VESA (pour le DLP) et surtout d’une molette qui permet d’ajuster le niveau de profondeur, c’est-à-dire de séparation entre les yeux. A ajuster au lancement de chaque jeu pour obtenir le meilleur résultat.
Malheureusement, les lunettes 3D Stéréo de NVIDIA ne constituent qu’un seul des 3 éléments indispensables pour bénéficier de la vision en relief. Le second élément est assez simple : il vous faudra disposer d’une GeForce, de la série 8, 9 ou GTX. Attention toutefois, si toutes les GeForce GTX sont supportées, il vous faudra au minimum une GeForce 8800 GT ou une GeForce 9600 GT (ou supérieur). Rien de bien surprenant toutefois, surtout que comme cette technologie divise globalement le framerate par deux, il faut de toute façon disposer d’un minimum de puissance. A ce propos, notez d’ailleurs qu’en l’état actuel seul le SLI classique est supporté par la 3D Stéréo : le triple-SLI ne l’est ironiquement pas encore.
Quel diffuseur est compatible ?
Dernier élément, et pas des moindres : le diffuseur. Nous l’avons vu, la fréquence de rafraichissement nécessaire est le double de la valeur normal, ce qui signifie qu’il faut viser au minimum 100 Hz, voir 120 Hz. Vous pouvez donc envoyer votre dernier LCD acheté à prix d’or à la benne. Actuellement, seuls 2 écrans LCD sont compatibles : le Samsung 2233RZ et le ViewSonic VX2265wm, tous deux des 22″. Seul hic : le modèle Samsung, que nous avons utilisé pour ce test, est annoncé à 400 $, un peu moins de 2 fois le prix d’un 22″ 2 ms et presque 3 fois le prix des 22″ 5 ms d’entrée de gamme !
Autres choix possibles : les TV HD à base de DLP haut de gamme (le Mitsubishi LaserVue L65-A90 par exemple), et certains videoprojecteurs Home Cinéma qui montent désormais à 120 Hz, à l’instar du Sanyo PLV-Z3000, un modèle Full HD qui est disponible à partir de 2200 €.
La bonne nouvelle, c’est que tous ceux qui ont conservés leur vieux CRT pourront économiser 400 $ : nous avons pu sans problème activer la 3D Stéréo sur notre 22″ Iiyama Vision Master Pro 510, en 1600*1200 @ 100 Hz.
Au final, NVIDIA ne proposera dans un premier temps que le kit lunettes 3D + écran Samsung 2233RZ, pour un prix annoncé à 600 $ aux Etats-Unis. En France, il faudra attendre février pour voir quelles offres le constructeur proposera. Mais ce ne sera donc pas donné, même si on parle tout de même d’une nouvelle façon de jouer et de s’immerger dans les jeux, qu’aucun système SLI ou processeur très haut de gamme ne peut offrir.
La mise en place, les profils, le test
La mise en place de la 3D Stéréo est au final assez simple. Après avoir tout déballé, il suffit d’installer le logiciel NVIDIA, puis brancher l’émetteur et les lunettes avant d’effectuer une calibration très rapide. L’émetteur infrarouge peut être connecté via un câble de 3m et donc placé où vous voulez.
Les drivers que nous avons utilisés ne sont pas ceux qui seront distribués au lancement, et n’intègrent par exemple pas les dernières améliorations des ForceWare. Ils ne permettent en tout cas pas de modifier le profil d’un jeu ou d’en rajouter un nouveau. En effet, tout comme pour le SLI, un jeu doit être profilé par NVIDIA dans les pilotes pour pouvoir supporter la technologie (et c’est en fait un moindre mal, puisque sans cela il faudrait attendre un patch ou un nouveau jeu pour disposer de cette technologie). Actuellement 350 le sont déjà avec les ForceWare 180.81 (voir la liste), avec une compatibilité qui est précisée et varie de limitée à excellente. Quelques jeux ne fonctionneront cependant pas du tout, et d’autres mal.
Le fait que cette compatibilité soit effectuée par le driver et après la sortie du jeu explique que la qualité du relief ne puisse être que très bonne au mieux. Nous allons le voir, certains des jeux actuels réagissent très bien à l’activation de la 3D Stéréo et sont saisissants. Mais l’impression de relief se fait dans la zone de profondeur qui se situe derrière la surface de l’écran. Or dans le cas d’un jeu conçu avec cette technologie en tête, il est possible d’étendre cette zone à la partie qui est devant l’écran (comme sur les démos NVIDIA), à savoir voir des personnages ou objets sortir littéralement de l’écran et avoir la sensation qu’ils se rapprochent dangereusement de notre tête. L’immersion pourrait alors être plus grande encore (notamment pour les jeux jouant sur la peur type Doom 3 ou FEAR), et il se susurre que certains développeurs de Blizzard seraient particulièrement convaincus par cette possibilité et pourraient l’intégrer à de prochains titres…
Le test
Configuration de test (pour les performances) | |
|---|---|
CPU | Intel Core i7 920 @ 3.8 GHz |
Carte mère | Asus Rampage II Extreme |
Mémoire | 6 Go Corsair Dominator DDR3-1333 (2 Go x3) |
Carte graphique | Nvidia GeForce GTX 280 1 Go, driver ForceWare 180.81 |
Disque dur | Seagate Barracuda 7200.10 250 Go |
Alimentation | Cooler Master UCP 1100W |
Au niveau des performances toujours, nous avons utilisé les réglages suivant pour chaque jeu :
Réglages des jeux | |
|---|---|
Far Cry 2 | 1680×1050, 0xAA/4xAA, Post FX: Low, Bloom désactivé, tout le reste : Very High |
World in Conflict | 1680×1050, 0xAA/4xAA, Shadows et Bloom désactivés, tout le reste : Very High |
Left 4 Dead | 1680×1050, 0xAA/4xAA, film grain off, tout le reste : Very High |
Call of Duty: World at War | 1680×1050, 0xAA/4xAA, Glow et DOF off, tout le reste : maximized |
Fallout 3 | 1680×1050, 0xAA/4xAA, Very High |
Unreal Tournament 3 | 1680×1050, 0xAA/4xAA, World detail à 3 |
Call of Duty, Left 4 Dead, Far Cry 2
Pour répondre à la question « L’effet de relief en 3 dimensions est-il convaincant en pratique dans les jeux ? », nous avons lancé les jeux suivants que nous avions pour la plupart déjà parcourus pendant plusieurs heures sans les lunettes.

Malheureusement, ce réticule est loin d’être le seul élément en 2D : c’est le cas de tout le texte qui apparaît aléatoirement (quand vous visez un de vos coéquipiers, quand vous recevez un objectif, etc.) mais également de tous les éléments de l’interface, à savoir le nombre de munitions qui reste et la mini-carte tactique. Un simple coup d’œil prolongé sur ces éléments vous fait perdre la vision en 3D et engendrent donc quelques dixièmes de seconde de déstabilisation, largement le temps de mourir. Avec l’habitude, on apprend à éviter de regarder ces éléments, ou plus exactement d’y jeter un très rapide coup d’œil afin de ne pas être gêné.
De même, des artefacts visuels restent présents, avec des textures bizarres qui apparaissent à certains endroits et en relief. Enfin, un clignotement apparaît aléatoirement, parfois très régulièrement et donc assez gênant, et d’autre fois complètement absent.

Far Cry 2 est également un des jeux où le rendu en relief est le plus convaincant, alors que bien que restant un FPS, il se situe à l’opposé de Left 4 Dead avec de grands espaces très lumineux et dotés d’une végétation luxuriante. En revanche, des sacrifices restent nécessaires pour faire en sorte de pouvoir activer la vision en relief : comme sur la majorité des jeux, des options graphiques doivent être désactivées. Notamment le rendu DirectX 10, le post-processing avancé et le bloom. Ce qui est évidemment dommage puisqu’on ne bénéficie donc plus de la meilleure qualité de rendu du jeu.
Cela ne l’empêche pas d’être saisissant, notamment dans la jeep avec le contraste entre l’action se déroulant dans le véhicule et celle en-dehors, et celle entre les objets proches et lointains dans les champs d’herbes hautes.
WIC, Fallout 3, UT3, CM2, Spore

Fallout 3 est à l’inverse un des jeux auxquels nous avons le plus apprécié de jouer en relief. Nous avons d’abord pu le lancer directement sans faire le moindre changement dans les options. Il suffit alors de commencer à jouer en relief pour ne plus jamais pouvoir revenir en arrière, et redécouvrir le jeu. Une excellente impression.

Nous avons achevés nos essais avec deux autres jeux pour lesquels nous n’avons pas été convaincus, Crazy Machines 2 et Spore. Là encore, le rendu en relief est correct mais il n’apporte juste pas assez au jeu pour contrer les inconvénients que l’on a vu.
A noter enfin deux défauts d’ordre général. En premier lieu, tous ceux qui disposent d’un éclairage au néon (le cas dans notre labo) devront obligatoirement l’éteindre quand ils activent les lunettes, sous peine de percevoir la fréquence de balayage de 50 Hz, ce qui devient vite insupportable. En outre, il faut également garder en tête que le contraste et la luminosité sont également réduits dès que l’on chausse les lunettes, sans être divisé par 2 (au moins subjectivement). Ce point n’est cependant pas trop rebutant et peut être amoindri en augmentant la luminosité dans le jeu ou directement sur l’écran. En revanche, contrairement à ce que nous craignions, nous avons pu jouer pendant plusieurs heures d’affilée sans sentir de fatigue visuelle ou de nausée comme c’était parfois le cas avec d’autres technologies !
Les performances : Far Cry 2
C’est ici que l’on comprend aussi mieux pourquoi cette technologie est particulièrement pertinente pour NVIDIA, à l’heure où ce dernier doit sans cesse trouver des justifications à l’existence du SLI et triple-SLI alors qu’une seule carte graphique milieu voir haut de gamme suffit pour tous les écrans non 30″ avec la majorité des jeux actuels. En théorie, l’activation de la 3D Stéréo devrait en effet diviser le framerate par un peu plus que 2 : il y a le doublement d’images bien sûr (chacune n’étant plus perçue que par un seul œil), mais également une perte liée au driver et aux calculs de décalage nécessaires. Voyons donc rapidement la perte occasionnée avec une seule GeForce GTX 280.
En 1680*1050 + antialiasing 4X, les performances baissent de 55 % une fois la 3D Stéréo activée, et l’on tombe à 28 images/seconde de moyenne. Cela reste jouable mais on constate alors parfois des ralentissements. Heureusement que seuls des 22″ sont donc compatibles pour l’instant ! Voyons ce qu’il en est sous les autres jeux.
Les performances : Left 4 Dead, WIC
Leur comportement est identique avec une perte de performances comprise entre 50 et 55 %. Dans tous les cas, on reste cependant aux environs des 30 images/seconde, mais avec une GTX 280 tout de même ! En dessous, il faudra donc désactiver l’antialiasing, réduire la qualité graphique, ou passer au SLI.
A noter au passage que NVIDIA fournit avec son driver deux logiciels permettant de visionner des photos et des vidéos spéciales en relief. Mais au delà des limites liées au contenu compatible, le résultat est actuellement décevant : les vidéos de démonstration ne gagnent pas grand chose à être vues en relief comparativement aux jeux, et quand aux photos (des screenshots de jeux), elles sont lourdes et rendent mal l’impression de relief de par le fait qu’elles sont statiques.
Conclusion

Et pourtant. La vision en relief via la 3D Stéréo nous apparaît rien de moins que la technologie NVIDIA la plus convaincante et prometteuse que nous ayons vu pour les joueurs depuis le passage à la 3D. Elle transforme complètement l’expérience de jeux comme Left 4 Dead ou Fallout 3 (principalement les FPS) et procure un nouveau bond en immersion qu’aucune API ni aucune architecture de GPU ne peut apporter. Sans être nouvelle puisque des solutions diverses sont disponibles depuis une dizaine d’années, l’implémentation de NVIDIA est de loin la plus convaincante que nous ayons pu voir et corrige des défauts importants des Elsa Revelator 3D. NVIDIA nous reproche souvent notre manque d’enthousiasme face aux produits de la marque. Effectivement, dernièrement les cartes bi-GPU du constructeur, le triple SLI ou encore les applications CUDA actuelles ne nous ont pas vraiment empêchés de dormir, ce qui n’est pas le cas de notre machine 3D Stéréo le premier soir où nous l’avons reçu !
Désormais, tout est entre les mains du caméléon. Si le prix des lunettes et des écrans baisse, que les bugs sont résolus et surtout que les gros titres de 2009 prennent en compte cette technologie pour tirer partie de la zone de profondeur devant l’écran (comme la démo NVIDIA), le jeu sur PC pourrait entrer dans une nouvelle ère.













