Le top des amendes de la Commission européenne

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10 ans d’action

Au fil des ans, la Commission européenne a su se faire connaître dans la sphère informatique. Ses actions dans la lutte pour une concurrence libre et non faussée ont visé les plus grands noms de l’industrie, avec à la clé des amendes conséquentes et de réelles implications sur le marché. Le nom de Neelie Kroes et le délit d’abus de position dominante nous sont devenus familiers, tout comme la fameuse Direction générale de la concurrence, alias DG COMP. Retour sur 10 ans de procédures et d’amendes record.

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Nintendo – 149 millions d’euros

Il y a presque 10 ans, en octobre 2002, la Commission européenne a infligé une lourde amende de 149 millions d’euros à Nintendo et à sept de ses distributeurs officiels en Europe pour s’être entendus en vue d’empêcher les exportations de pays à bas prix vers des pays à prix élevés. L’enquête de la Commission a révélé que Nintendo et sept distributeurs se sont entendus pour maintenir des écarts de prix artificiellement élevés dans l’Union européenne entre janvier 1991 et 1998. Les consoles NES, SNES, N64 ou Game Boy ainsi que leurs jeux étaient jusqu’à 65 % moins onéreux au Royaume uni que dans les autres pays de l’Union.

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Microsoft – Interopérabilité et vente liée

L’affaire Microsoft est sans doute la plus importante de celles traitées par la Commission européenne. En février 2000, alors que l’entreprise de Bill Gates est à son firmament et semble invincible, la Commission ouvre une enquête sur “l’incidence de Windows 2000 sur la concurrence”. En cause, le manque d’interopérabilité de Windows qui aurait été conçu « de telle façon que seuls les produits de Microsoft soient parfaitement compatibles entre eux ».

Cette enquête aboutit le 24 mars 2004 à la condamnation de Microsoft à une amende de 497 millions d’euros pour deux abus de position dominante : d’une part, Microsoft a limité délibérément « l’interopérabilité entre les PC Windows et les serveurs de groupe de travail de ses concurrents », d’autre part, Microsoft a lié la vente de son lecteur Windows Media (WMP) avec Windows. Microsoft est obligée de permettre l’interopérabilité de ses produits avec ceux de ses concurrentes et de proposer à la vente une version de Windows dépourvue de WMP, les fameux Windows XP N.

Microsoft refuse de s’exécuter totalement et en juillet 2006, la Commission inflige une sanction de 280,5 millions d’euros à Microsoft pour “non-respect persistant de la décision de mars 2004”. Microsoft résiste encore en faisant payer au prix fort à ses concurrents l’accès aux informations sur l’interopérabilité requises par la Commission en 2004. Cela lui vaut une troisième amende, de 899 millions d’euros, venant s’additionner au 280,5 millions précédents.

Microsoft contesta cette décision, mais le Tribunal de l’Union européenne a confirmé cette amende le 17 juin dernier, tout en la réduisant à 860 millions d’euros. Il reste une dernière chance à Microsoft de faire appel devant la Cour de justice européenne.

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Microsoft – Le choix du navigateur

L’histoire d’amour entre Microsoft et la Commission européenne ne s’arrête pas là. Parallèlement à la première enquête de 2000, la Commission en ouvre une seconde, le 14 janvier 2008, suite à une plainte d’Opera. Microsoft y est à nouveau soupçonnée d’abus de position dominante en réalisant la vente liée de son propre navigateur Internet Explorer à son OS Windows.

Microsoft se montre cette fois nettement plus conciliante et fait rapidement des propositions pour remédier à la situation. Ces propositions aboutissent fin 2009 à l’intégration dans Windows 7 (alors tout juste lancé), Windows Vista et Windows XP de l’écran de choix du navigateur que vous avez forcément rencontré à l’installation de votre PC. Microsoft paraissait alors avoir esquivé adroitement l’attaque de la Commission. Mais le 17 juillet dernier, celle-ci a rouvert une procédure « portant sur un éventuel non-respect d’engagements souscrits en matière de choix de navigateur ». Le Service Pack 1 de Windows 7 aurait supprimé l’écran de choix du navigateur, au moins dans certaines conditions. Or Microsoft s’était engagée à inclure cet écran pendant au moins 5 ans. Une nouvelle amende en vue ?

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Intel – 1,06 milliards d’euros

Intel est l’autre cas emblématique des actions des commissaires à la concurrence. Il a aussi ceci de particulier qu’Intel fut également la cible d’une enquête de l’autorité de la concurrence américaine, la FTC. Tout est parti d’une plainte déposée par AMD en 2005, qui accusait Intel d’abus de position dominante. Elle a donné naissance à un faisceau de procédures, certaines opposant directement AMD à Intel, d’autres entreprises par les autorités de la concurrence de leur propre chef.

La Commission européenne est pourtant la seule à avoir mené sa procédure à son terme : le 13 mai 2009, Intel est condamné à 1,06 milliard d’euros d’amende pour avoir triché dans sa course contre AMD. Intel est reconnu coupable d’avoir accordé « des remises intégralement ou partiellement occultes aux fabricants d’ordinateurs à la condition qu’ils lui achètent la totalité ou la quasi-totalité des processeurs x86 dont ils avaient besoin » et d’avoir « effectué des paiements directs en faveur d’un grand distributeur à la condition qu’il ne vende que des ordinateurs équipés de processeurs x86 ».

AMD finit par trouver un accord amiable avec Intel fin 2009 : les verts abandonnent toutes poursuites contre les bleus en échange de 1,25 milliard de dollars. La FTC américaine suit quelques mois plus tard, en avril 2010, en confirmant les tricheries d’Intel (comme une altération du compilateur GCC afin de favoriser les puces Intel) sans infliger de sanction.

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France Télécom – 2004

La Commission ne surveille pas que les entreprises : elle garde aussi un oeil sur les états. La France a ainsi été rattrapée par une enquête sur le régime d’imposition dont a bénéficié France Telecom entre 1994 et 2003. Pendant cette période, l’opérateur historique s’est vu imposer un taux de taxe professionnelle plus bas que les autres sociétés, notamment ses concurrents directs. Pour la Commission, il s’agit là d’une aide déguisée à l’opérateur (dont l’état français est toujours actionnaire à 27 % environ) et d’une distorsion de la concurrence. L’État français doit donc récupérer le différentiel de taxe professionnelle, qui pourrait se monter entre 798 millions et 1,14 milliard d’euros (hors intérêts) selon les estimations de la Commission.

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Rambus diminue ses prétentions

Rambus a beau avoir fait avancer la technologie de la mémoire vive, la société traine une image désastreuse, fruit de l’échec de la Rambus du Pentium 4 et de ses manoeuvres douteuses pour obtenir des royalties sur ses brevets. Rambus fut notamment accusé par d’autres fabricants de mémoire vive de leur avoir tendu un piège en dissimulant intentionnellement qu’elle détenait des brevets et des demandes de brevets concernant certaines technologies utilisées dans la norme définie par le JEDEC, et en réclamant par la suite des redevances pour ces brevets.

La Commission ouvrit une enquête à ce sujet. Rambus y répondit en s’engageant à ne percevoir aucune redevance sur les normes de SDR et DDR qui ont été adoptées alors que Rambus était membre du JEDEC, et à ne percevoir qu’une redevance maximale de 1,5 % pour les dernières générations de normes JEDEC concernant les DRAM (DDR2 et DDR3), un taux nettement plus bas que les redevances de 3,5 % perçues par Rambus pour les DDR.

Grâce à ces engagements, Rambus a échappé à une condamnation par la Commission, qui a mis fin à son action.

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Le cartel de la mémoire vive

D’autres fabricants de mémoires vives furent moins chanceux. Le 19 mai 2010, Micron, Samsung, Hynix, Infineon, NEC, Hitachi, Mitsubishi, Toshiba, Elpida et Nanya se sont vus condamnés pour entente sur les prix. Le montant total des amendes infligées fut de 331 millions d’euros. Micron fut le seul à ne pas être pénalisé financièrement, car c’est lui qui dénonça le cartel à la Commission.

Par un mécanisme de rencontres bilatérales, les 10 fabricants ont bloqué toute concurrence sur le prix des puces de DRAM entre juillet 1998 et juin 2002, soit presque 4 ans.

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IBM évite l’amende


Microsoft, Intel, Nintendo, Samsung… le tableau de chasse de la Commission est déjà bien rempli. Elle y a accroché un autre grand nom à la fin de l’année dernière : IBM. Big Blue s’est retrouvé sous le feu des critiques de la Commission pour abus de sa position dominante sur le marché de la maintenance des grands systèmes (main frames). Comme Rambus, IBM a échappé à une condamnation en échange d’engagements fermes de préserver la concurrence.

Plus précisément, la Commission craignait qu’IBM vende les pièces détachées de ses systèmes à des tarifs déraisonnables. IBM s’est donc engagé à fournir aux sociétés tierces opérant la maintenance de main frames IBM les pièces détachées et la documentation nécessaires à des conditions commercialement raisonnables et non discriminatoires.

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Le cartel des écrans LCD

Il n’y a pas que les fabricants de RAM à se réunir en cartel afin de maintenir des prix artificiellement élevés, la Commission a également épinglé six fabricants d’écrans à cristaux liquides. Entre octobre 2001 et février 2006, Samsung Electronics, LG Display, AU Optronics, Chimei InnoLux Corporation, Chunghwa Pictures Tubes et HannStar Display Corporation « se sont entendues sur les prix et ont échangé des informations sur leurs projets de production futurs, sur l’utilisation de leurs capacités, sur la fixation de leurs prix et sur d’autres conditions commerciales ».

Samsung, qui a collaboré rapidement à l’enquête a bénéficié de la clémence de la Commission et n’a pas eu à régler d’amende. Chimei InnoLux a dû régler 300 millions d’euros, LG Display 215 millions d’euros et AU Optronics 116,8 millions ; Chunghwa et HannStar un peu moins de 10 millions d’euros chacun. Au total, l’amende atteint 648,9 millions d’euros.

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Une entente sur le prix des DVD ?

Y’a-t-il un pan de l’industrie informatique qui soit irréprochable ? Les multiples condamnations de la Commission européenne amènent à penser que non. Les commissaires ont d’ailleurs ouvert tout récemment (le 24 juillet dernier) une enquête pour entente sur les prix sur le marché des lecteurs de disques optiques. La Commission soupçonne 13 fournisseurs de lecteurs CD et DVD d’avoir manipulé les appels d’offres lancés par deux grands équipementiers pendant au moins cinq ans. L’avenir nous dira si ces soupçons étaient justifiés.