Des chercheurs du MIT sont parvenus à maintenir des états quantiques pendant 10 secondes

Un record rendu possible par la découverte de nouveaux qubits.

La semaine dernière, des chercheurs du laboratoire d’Argonne aux États-Unis étaient parvenus à maintenir des qubits dans un état d’intrication et de superposition quantique pendant plus de 5 secondes. Ce record de cohérence quantique vient d’être pulvérisé par des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui l’ont étendu à 10 secondes. Une durée rendue possible par la découverte d’un nouveau bit quantique prenant la forme d’une paire de fermions “vibrants”. Comme souvent dans le domaine de la science, cette découverte a d’ailleurs été faite de manière fortuite.

Image 1 : Des chercheurs du MIT sont parvenus à maintenir des états quantiques pendant 10 secondes

Qubit et fermion

Posons d’abord quelques notions. Un bit quantique, ou qubit, est l’unité de base de l’informatique quantique. Dans nos ordinateurs actuels, un bit effectue une série d’opérations logiques à partir de l’un de ses deux états, 0 ou 1. Le qubit nait pour sa part d’une “superposition” de deux états. Ce phénomène quantique est justement appelé principe de superposition. Seulement la plupart des qubits sont incapables de maintenir leur superposition et/ou peu enclins à communiquer avec d’autres qubits.

Un fermion “est une particule de spin demi-entier […] qui peut être une particule élémentaire, tel l’électron, ou une particule composite, tel le proton, ou toutes leurs antiparticules”. En l’état actuel des connaissances, “toutes les particules élémentaires observées sont soit des fermions, soit des bosons” (le boson est pour sa part “une particule subatomique de spin entier”). Selon le principe d’exclusion de Pauli, deux fermions identiques ne peuvent pas occuper le même état quantique.

Des paires de fermions piégées

Au départ, l’étude menée par les chercheurs du MIT portait sur le comportement des atomes fermioniques de potassium 40 dans un environnement ultra-froid et de très faible densité. L’expérimentation consistait à les refroidir à 100 nanokelvins puis à les piéger par paire dans un réseau optique à l’aide d’un système de lasers. Au cours de l’expérimentation, les physiciens ont remarqué que dans leurs paires de fermions piégées dans le réseau optique, les particules existent simultanément dans deux états : elles se déplacent ensemble, comme deux pendules se balançant de manière synchronisée, mais aussi l’une par rapport à l’autre (ou l’une contre l’autre). L’équipe fournit le GIF ci-dessous pour illustrer le principe.

Image 2 : Des chercheurs du MIT sont parvenus à maintenir des états quantiques pendant 10 secondes
Illustration des deux états vibratoires : à gauche, état vibratoire opposé, à droite, état vibratoire synchronisé
Crédit : MIT

Martin Zwierlein, professeur de physique, rapporte : “En physique expérimentale, il arrive souvent que l’on ait un signal lumineux et que, l’instant d’après, il parte en vrille pour ne plus jamais revenir. Ici, il s’est assombri, puis est redevenu brillant, et s’est répété. Cette oscillation montre qu’il y a une superposition cohérente qui évolue dans le temps. Cette découverte est le fruit d’un heureux hasard”.

Les physiciens ont mesuré que ces paires oscillent “entre ces deux états à environ 144 hertz. C’est une fréquence que l’on peut entendre, comme un faible bourdonnement” note Thomas Hartke.

Ils sont ensuite parvenus à contrôler les états vibratoires des paires de fermions en appliquant un champ magnétique. “C’est comme si l’on partait de deux pendules sans interaction et qu’en appliquant un champ magnétique, on créait un ressort entre eux, et que l’on pouvait faire varier la force de ce ressort, en écartant lentement les pendules”, explique Thomas Hartke.

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400 paires de fermions contrôlées

Les chercheurs ont réussi à manipuler simultanément environ 400 paires de fermions et à maintenir leur état de superposition dix secondes avant qu’elles ne s’effondrent dans l’un des deux états vibratoires. Autrement dit, ces qubits pourraient constituer une base pour de futurs ordinateurs quantiques.

Thomas A. Frank résume : “Nous estimons que l’interaction de ces qubits ne devrait prendre qu’une milliseconde, et nous pouvons donc espérer 10 000 opérations pendant ce temps de cohérence, ce qui pourrait être compétitif par rapport à d’autres plateformes. Il y a donc un espoir concret de faire calculer ces qubits”.

Ce temps de cohérence de dix secondes est une nette avancée. Néanmoins, reste à faire interagir les fermions entre eux, c’est-à-dire à former des portes de qubits. Martin Zwierlein se montre toutefois optimiste. Le physicien déclare : “C’est un système dans lequel nous savons que nous pouvons faire interagir deux qubits. Il existe des moyens pour que les paires se rapprochent, interagissent, puis se séparent à nouveau, en seulement une milliseconde. Il existe donc une voie claire vers une porte à deux qubits dont on aura besoin pour fabriquer un ordinateur quantique.”

Sources : SciTechDaily, Wikipedia, CNRS, Science

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