Intel Alder Lake : les Core de 12ème génération deviennent hybrides

C’est peu dire que le franc retour d’Intel dans la course aux processeurs était attendu, tant le géant de Santa Clara semblait assoupi sur ses lauriers ces dernières années. Au point de laisser AMD, revenu du diable vauvert, le doubler par la droite et faire de ses Ryzen le nouveau socle de référence des PC au bon rapport qualité/prix comme des configurations surpuissantes. Alors, que vaut cette nouvelle génération Alder Lake, qui pourrait rebattre les cartes dans les prochains jours ?

C’est un curieux paradoxe, il faut bien l’admettre. Lorsqu’Intel régnait seul et sans partage sur le marché des processeurs, alors qu’AMD peinait à enchaîner les générations derrière les architectures Bulldozer, Piledriver et Excavator, on n’attendait qu’une seule chose : le retour à une saine concurrence, qui ferait évoluer le secteur. Une attitude, une soif d’en découdre, en somme, qui ferait sortir le marché du sempiternel schéma du CPU à quatre cœurs et huit threads, en faveur d’une proposition débridant enfin le potentiel de calcul et de puissance que l’on nous promettait ! Et alors que l’écurie rouge avance ses pions Zen, en février 2017, c’est au tour de l’indétrônable mastodonte de Santa Clara, devenu roi fainéant, de ne plus progresser.

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Du tic-toc, au toc-toc

C’était un concept auquel on ne pouvait qu’adhérer. Depuis 2007, Intel alternait avec la régularité d’une horloge les changements architecturaux (“tick”) et leurs améliorations (“tock”). Il y a sept ans jour pour jour, le 27 octobre 2014, Broadwell introduit le procédé de gravure en 14 nm sur ses lignes de production. On en est alors à la cinquième génération des Core i3, i5 ou i7. Pas étonnant que Skylake, quelques mois plus tard, vienne “tocker” à sa tri-gate, en optimisant le procédé de gravure. Mais encore un an plus tard, Kaby Lake maintient la gravure en 14 nm. L’optimisation de l’optimisation ? Une pilule qui aurait pu passer, si elle n’avait pas été suivie d’une nouvelle architecture en 14 nm (Coffee Lake, Core de 8ème génération), puis encore d’une autre (Comet Lake) et encore d’une ultime (Rocket Lake) préservant cette finesse de gravure.

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Oui, le nœud en 10 nm est entériné dès la microarchitecture Cannon Lake de 2018. Mais il ne connaît qu’un unique rejeton, le Core i3-8121U (deux cœurs, quatre threads, de 2,2 à 3,2 GHz), bien trop limité pour en déduire une ligne de produits. Ice Lake, qui en prend la relève une année plus tard, vise en particulier les CPU mobiles et les Xeon des serveurs. Puis Tiger Lake, en septembre 2020, vient les optimiser et convoite les mêmes types de marché, avec des processeurs H35 conçus pour “le jeu sur ultraportables”, avec des TDP inférieurs à 35 W. Sur le marché des configurations desktop, pas grand-chose à se mettre sous la dent.

C’est dire si la nouvelle architecture Alder Lake, la douzième génération des Core de bureau à hautes performances, qui entérine le procédé de gravure en 10 nm sur cette cible, était attendue. Plus précisément, Intel parle désormais de procédé Intel 7, une manière marketée de s’opposer à la famille des Ryzen et aux techniques de Global Foundries et de TSMC qui auront rapidement enchaîné le 14 nm (Ryzen 1000), le 12 nm (Ryzen 2000) et le 7 nm (Ryzen 3000 à 5000). Oui, les procédés de gravure ne sont pas forcément comparables, on ne peut pas en retenir que la seule finesse, on est d’accord. Place à la proposition d’une nouvelle approche architecturale.

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Intel Alder Lake : une approche hybride

Voilà pour le contexte. Pour asseoir son retour, Intel n’a pas seulement mis en avant une plus grande finesse de gravure, enfin entérinée : les nouveaux Core de douzième génération ne se contentent pas d’officialiser le passage au 10 nm, ils introduisent une toute nouvelle architecture hybride. Deux types de cœurs cohabitent désormais au sein d’un même die: les P-Cores (pour “Performances”), des unités optimisées pour les tâches faiblement multithreadées qui réclament de la puissance, et les E-Cores (pour “Efficient”), dédiées aux tâches de fond qui réclament peu de puissance brute, et qui présentent une meilleure efficacité énergétique. Seuls les premiers profitent de l’Hyper-Threading.

Les nouveaux Core i5, i7 ou i9 de douzième génération embarquent de 6 à 8 cœurs “performants” et de 4 à 8 cœurs “efficients” au sein du même die. Le cache L2 est de 1,25 Mo par P-Core, et ces unités avancées se partagent jusqu’à 30 Mo de mémoire cache L3, alors que les E-Core mutualisent 2 Mo de cache L2. On pense à l’architecture “chiplet” des Ryzen, qui mettait déjà fin aux processeurs “monolithiques” en faveur d’une approche plus modulaire. Avec les chiplets, les cœurs sont regroupés sous forme de modules gravés en 7 nm (les CCD, “Core Complex Die”), eux-mêmes divisés en deux blocs CCX (“Core Complexes”), avec quatre cœurs chacun. Mais ici, avec l’architecture Alder Lake, on va plus loin : ce sont bien deux types de cœurs aux caractéristiques différentes, à la manière de l’assemblage big/little au sein d’un même die, qui cohabitent.

Image 4 : Intel Alder Lake : les Core de 12ème génération deviennent hybrides
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Première conséquence d’un tel choix hybride : sur le papier, les performances devraient dépendre de l’assignation du cœur le plus adapté à chaque processus, tranchant ainsi entre “performances” ou “efficience”. Intel semble avoir travaillé étroitement avec Microsoft, au point de recommander d’utiliser Windows 11 pour mieux découvrir ses nouveaux processeurs. Le scheduler du système a été revu et corrigé pour en tirer le meilleur parti, et l’Intel Thread Director, une surcouche matérielle “intelligente” pour monitorer l’état du processeur, vient l’accompagner pour désigner dynamiquement les cœurs les plus appropriés. Face à la polémique d’AMD et de ses processeurs mal taillés pour Windows 11 (une situation aujourd’hui clarifiée), la proposition d’Intel a profité d’une bonne publicité indirecte.

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Les nouveautés ne s’arrêtent évidemment pas là. Les Intel Core de douzième génération sont les premiers CPU à supporter le PCI-Express 5.0 et la mémoire DDR5 sur deux canaux, jusqu’à la DDR5-4800, deux nouvelles références qui devraient s’imposer dans les années à venir. Évidemment, la mémoire DDR4 reste pleinement compatible, jusqu’à la DDR4-3200, et vous pouvez installer jusqu’à 128 Go de mémoire sur cette nouvelle plate-forme. Les profils XMP 3.0 signent leur entrée, avec la possibilité d’enregistrer deux profils personnalisés ou encore celle de gérer plus finement les tensions. Enfin, la technologie Dynamic Memory Boost vient adapter dynamiquement la fréquence de la mémoire en fonction de la charge, afin d’optimiser les performances. 

Six premières références, nouveau socket LGA 1700 et chipset Z690

Intel a pour l’instant levé le voile sur six références Alder Lake : les Core i5-12600KF (10 cœurs, 6P+4E, 16 threads), Core i5-12600K (10 cœurs, 6P+4E, 16 threads), Core i7-12700KF (12 cœurs, 8P+4E, 20 threads), Core i7-12700K (12 cœurs, 8P+4E, 20 threads), Core i9-12900KF (16 cœurs, 8P+8E, 24 threads) et Core i9-12900K (16 cœurs, 8P+8E, 24 threads). Les variantes KF sont dépourvues de circuit graphique intégré, tandis que les modèles K embarquent un circuit UHD Graphics 770, basé sur l’architecture Intel Xe. Les modèles K et KF sont débloqués et facilitent l’overclocking. Si aucun Core i3 n’a pour l’instant été annoncé, il y a fort à parier qu’il soit rapidement convié à la fête.

Du côté des caractéristiques techniques, les fréquences de fonctionnement évoluent largement entre les P-Cores, cadencés entre 3,2 et 3,7 GHz (avec un Turbo à 5,1 GHz, voire 5,2 GHz avec le Turbo Boost Max 3.0), et les E-Cores, oscillant entre 2,4 GHz et 2,8 GHz (avec un Turbo à 3,9 GHz). Puisque l’approche est hybride, Intel s’autorise également une plus grande fourchette du côté de la consommation annoncée : le constructeur parle d’un “processor base power” de 125 Watts et d’un “maximum turbo power” de 241 Watts. Un vrai grand écart, qu’il faudra prendre avec des pincettes en pratique.

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Pour accueillir ces nouveaux processeurs, vous devrez vous équiper d’une carte mère avec un nouveau socket LGA 1700, qui prend la relève de l’actuel LGA 1200. Aucune carte mère actuelle n’est donc compatible avec les processeurs Alder Lake, et la nouvelle génération s’accompagne de l’arrivée d’un nouveau chipset. Pour l’heure, il s’agit du Z690, orienté haut de gamme, mais la famille devrait rapidement s’agrandir. Le chipset Z690 gère jusqu’à 12 lignes PCI-Express 4.0, 16 lignes PCI-Express 3.0 et 8 lignes SATA-III et intègre par ailleurs un contrôleur Ethernet Gigabit, du Wi-Fi 6E et de l’USB 3.2 Gen2.

Jusqu’à 19% plus performant que la génération précédente

Avant de passer sur notre grill, les processeurs Alder Lake annoncent la couleur : ils seraient environ 19% plus rapides, à fréquence égale, que les processeurs Core de 11ème génération. A eux seuls, les E-Cores supplanteraient les cœurs des processeurs Comet Lake, de dixième génération, tout en présentant une consommation inférieure.

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Concrètement, un Core i9-12900K serait aussi rapide en multi-threading qu’un Core i9-11900K, avec une consommation divisée par quatre. Un résultat que l’on doit essentiellement à cette architecture hybride. Et à consommation identique, les performances du Core i9-12900K viendraient devancer celles de l’unité de génération précédente de 50% environ. Au cours de la présentation officielle levant le voile sur les processeurs Alder Lake, Intel a comparé sa tête de gondole, le Core i9-12900K, aux Core i9-11900K de génération précédente et Ryzen 9 5950X d’AMD, plaçant systématiquement la nouvelle référence à la première place du podium. D’ici quelques jours, nous ne manquerons pas de confronter cette annonce à la réalité du terrain. 

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Du côté des tarifs, on espère vivement qu’ils seront respectés, jusqu’à leur conversion en euros, et que les nouveaux processeurs Alder Lake ne seront pas la cible des scalpers comme avec les cartes graphiques. Comptez 589 dollars pour le Core i9-12900K, 564 dollars pour le Core i9-12900KF, 409 dollars pour le Core i7-12700K, 384 dollars pour le Core i7-12700KF, 289 dollars pour le Core i5-12600K et 264 dollars pour le Core i5-12600KF. Dernier détail : une date de sortie a été avancée – la première livraison des Intel Alder Lake devrait débarquer le 4 novembre prochain.

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